Magazines en ligne : il est temps de changer

26 février 2009 , 2 commentaires
La presse va mal, c’est connu. Le papier perd de l’argent et le web n’en gagne pas encore assez.

Selon certains le coût du CPU n’est pas assez élevé,

A vrai dire mon sentiment c’est que la presse est passée d’une méfiance trop grande vis à vis de Google à une soumission dangereuse. La course au volume se fait parfois au détriment de la cohérence du positionnement éditorial. Normal avec un prix de la pub 3 ou 4 fois inférieur à nos voisins anglo-saxons la course au volume est ouverte. Le piège est là. Intéressant de voir que les acheteurs d’espace et les régies prennent conscience que la course au prix le plus bas va à l’encontre des intérêts de tous et n’a pour conséquence qu’un alignement à terme sur Google. Une perspective mortelle.

Selon d’autres, c’est le comportement des internautes qui est en cause :

Le second truc qui cloche, c’est le concept même du journal, quand les internautes ne « consomment » plus les articles qu’à l’unité, passant allègrement du site du Monde à celui de Libération, selon que leur réseau social, des moteurs ou des agrégateurs, ou d’autres outils de recommandation, auront attiré leur attention sur tel ou tel article qui mérite un détours.

Ce constat ne concernait jusqu’à aujourd’hui que la presse généraliste [1]. Les sites de « niches » qui ne traitent qu’une problématique bien spécifique  – technologie, mobilité, webdesign (au hasard) – étaient encore épargnés par les problèmes d’audience et de pépettes. Ce n’est plus le cas aujourd’hui.

Time to change

Digital Web Magazine, magazine historique sur le webdesign [2] annonce  dans son dernier article,  Time to change, que son modèle n’est plus adapté au paysage web d’aujourd’hui.

The landscape of web writing has changed. The value of well-edited and reviewed content is giving way to faster, less-refined posts on blogs, comments and services like Twitter. It is clear from the dwindling number of article pitches that many prefer to draw traffic to their own sites. The previous value of writing for a community publication like Digital Web has declined…

Le paysage de l’édition sur le web a changé. La valeur des magazines à contenu de qualité est en train de chuter au profit de billets de blogs, moins détaillés, plus vite publiés, des commentaires et des services comme Twitter. Il est clair que devant le nombre décroissants d’articles (du magazine) que beaucoup préfèrent récupérer le trafic sur leur propre site. L’intérêt d’écrire des articles pour un magazine communautaire comme Digital Web Magazine est aujourd’hui faible.

Il est temps d’évoluer. Oui mais vers quoi ? Nick Fink, l’auteur de l’article et le fondateur de Digital Web Magazine, propose quelques pistes :

  1. Devenir un magazine de niche, encore plus spécialisé
  2. Créer un blog collectif d’experts
  3. Nouer des partenariats
  4. Se recentrer sur les technologies à venir et ne faire que de la prospective

A la fin de son article, en bon professionnel du web (et ce n’est pas ironique), Nick demande à ses lecteurs ce vers quoi ils voudraient que leur magazine évolue.

We’ve come up with some solid ideas, but I want to know what you, our readers, think we should do. Just as in 1999, we want your opinion on Digital Web’s future.

Nick, voici ma réponse  [3] :

Le journalisme de liens (ou l’information de liens)

Je n’aime pas trop le mot journalisme. On met tellement de choses dans ce mot là que ça finit par ne plus rien dire. Et puis je ne suis pas sûr que l’on puisse dire d’articles sur le webdesign qu’ils entrent dans la catégorie journalisme. Je préfère parler d’information de liens.

Donc l’information de liens qu’est ce que c’est. C’est uldnr.com, aaaaliens.fr ou encore la rubrique ici et ailleurs de Slate.fr. C’est une agrégation de liens sur une thématique particulière. Mais c’est un digg like me direz-vous ! Ca existe depuis la nuit des temps [4] ! Pas vraiment. Là où sur un digg like tout le monde a la possibilité de proposer des liens, lesquels rentrent ensuite dans une grosse machine compliquée qui modère classe et re-publie ensuite ces mêmes liens selon un algorithme secret et compliqué (un bon algorithme est toujours secret et compliqué, un peu comme la recette du caca cola), le journalisme de liens fait travailler une équipe d’experts. Là, il n’est pas question d’algorithme. Ce sont des vrais gens qui estiment la pertinence de telle ou telle source avec leur vrai cerveau et qui la publient ensuite pour la proposer à leur communauté avec leurs vrais petites mains.

undrln un digg like de niche

undrln est un magazine à la digg mais qui ne publie que des articles sur le monde du divertissement, le marketing et le design. La plupart du temps, ces articles sont publiés par « des gens du métiers ». La pertinence d’un tel modèle est donc beaucoup plus grande que celle d’un digg like où le nombre de liens pollue la ligne éditoriale du site (en fait il n’y a pas de ligne éditoriale).

aaaliens, l’expérience du journalisme de liens

aaaliens fonctionne sur le même principe un peu plus poussé cependant. L’équipe d’aaaliens est constituée de quelques blogueurs, cooptés. C’est donc une équipe plutôt restreinte et fermée (bien que je suis sûr que si on leur demande gentiment ils nous accueillent à bras ouverts), à l’opposé de ce qui se pratique sur les digg like. Selon la charte du site, chaque membre fournit librement ses flux de liens à aaaliens, flux composés des liens qu’il a lui-même sélectionnés et dont il conserve l’entière responsabilité éditoriale à titre personnel. Ainsi on peut voir en direct la veille de Francis Pisani, Guillaume narvic, Mikiane, Johan Hufnagel (des noms qui vons peut-être familiers si vous vous intéresez  au monde des médias sur le web)… en consultant les liens publiés par ceux-ci. Chaque lien est accompagné d’un texte decriptif  afin que l’internaute qui arrive sur aaaliens sache si la ressource proposée l’intéresse ou non. Voilà c’est tout. Ils n’écrivent pas d’articles, pas de billets, pas d’édito… juste des liens. Etonnant non ! Mais aussi efficace.

Ici et ailleurs

La rubrique ici et aileurs de Slate.fr est aussi un petit ovni dans le monde de l’édition en ligne. Sur la home de Slate.fr, un grand encart propose une liste d’articles issus d’autres sites que Slate.fr. Pour chaque article, un court texte résume le contenu de l’article et un lien renvoi vers la source. Un vrai lien. Sans target="_blank" et sans nofollow ! Du pur journalisme de liens.

C’est assez audacieux pour un nouveau site qui doit se construire une audience de faire un truc pareil. Ceci dit, c’est un moyen efficace de couvrir une partie de l’actualité que l’équipe de Slate.fr n’aurait pas les moyens ou le temps de couvrir. En plus, grâce au texte descriptif, chaque lien est qualifié. Les lecteurs s’y retrouvent. Le magazine aussi. Une vraie relation gagnant gagnant pour parler en Ségolène Royal.

Pour finir…

Voilà ce que j’aimerais que Digital Web Magazine devienne. Un site d’agrégation de ressources, éditorialisé par des professionnels du web design. Tiens, ça me donne une idée de projet ça… Y’en a que ça intéresse ?

  1. la Grannnnnnde Presse d’Information Citoyennne à prononcer avec un accent parisien qui met des accents circonflexes sur les « a » alors qu’on devrait pas
  2. historique puisque débuté en 1996. 1996 sur le web, c’est déjà de l’histoire
  3. que je traduirais dans la langue de Shakespeare un jour, si j’ai le courage et si le coeur m’en dit peut-être à l’occasion
  4. Toujours en temps internet hein parce digg, je crois que c’est 2003 ou un truc comme ça

Réagissez

Si ce billet vous a plu ou si vous voulez apporter des précisions, ou si vous n’êtes pas d’accord avec ce que je raconte, c’est ici qu’il faut vous manifester. Je me réserve toutefois le droit de supprimer toute contribution insultante ou qui n’aurait rien à voir avec la choucroute.

  1. Cela fait longtemps que je voudrais monter un magazine de graphisme (toutes techniques et tous supports confondus) très orienté making-of (pas de tutoriaux à priori), digital art/digital painting, webdesign… car en France, on en trouve vraiment plus beaucoup ! J’étais fan de Studio Multimedia dans le temps, depuis sa chute, aucun ne lui arrive à la cheville je trouve… A la base je pensais plutôt à un magazine papier, mais je reconsidère ce choix en lisant ces lignes…
    Alors? On le monte ce mag-digg-journalist-linking? 🙂

  2. Ce qui se dit pour ce titre peut d’ailleurs s’appliquer à toute la presse magazine, et je dirai même par extension, à toute la presse tout court! Ce qui n’est ni court, ni mince.
    Mais une voie ne serait-elle pas justement de poser les choses à l’inverse de cet éditeur (qui cherche « une » voie de sortie)? Et de considérer qu’une « marque de presse » se vit désormais dans une vie multiple, en divers formats et supports. Bref, la « marque éclatée ».
    Je prédis que, demain, les marques médias n’existeront plus comme tel. Elles seront le produit instantané, à la demande, en réponse personnalisée à une requête individuelle. Tous les éléments existeront sur le réseau, de façon disparate, et se réuniront d’un clic en un produit composite, inédit, unique. Dur à concevoir cependant par rapport aux modèles mentaux de la presse (et du web) actuels…

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